Une spiritualité pédagogique inédite
ou l'école maternelle du Saint-Esprit
un tryptique, une étoile, des outils
Spiritualité ou pédagogie ? Deux portes qu'il suffit de pousser pour entrer dans le "jeu divin de la création et de la rédemption". C'est un jeu, mais il est sérieux et Dieu y tient le rôle principal. Et plus encore, il aide tous les acteurs à tenir leur petit rôle. Donc pas d'inquiétude... poussons avec simplicité l'une des portes :
Un « triptyque à trois volets »
ou comment sont tissés ici les saints
L'expression de Tryptique à trois volets est de René Lejeune. Le tissage des saints vient plutôt de la Bible... En tout cas, pour le Père Kentenich, le but est de former des saints en les confiant d'abord, par l'alliance d'amour, aux soins maternels et éducatifs de Marie. Ce faisant, le tissage se fait dans la vie quotidienne et c'est là qu'ils seront des instruments à son service, donc des collaborateurs à l'Œuvre de la Rédeption.
La sainteté est la « finesse de l’écoute et de l’obéissance aux motions du Saint-Esprit ». Selon le Père Kentenich, elle a trois dimensions, elle est « trinitaire ».
- L’alliance d'amour :
L’alliance est l’axe principal de la spiritualité de Schœnstatt. Elle veut actualiser ce qui est au cœur des deux Testaments bibliques : la première alliance (Ex 24) et l’Alliance Nouvelle. Il s’agit bien ici de vivifier l’alliance baptismale.
Dans le mot « alliance », nous entendons : mutualité, réciprocité, interdépendance, donner et recevoir, droits et devoirs. C’est un « contrat bilatéral gratuit » qui invite à coopérer, à œuvrer ensemble. « Rien sans toi, rien sans nous » est devenu la formule brève et populaire, classique. Rien sans toi, Sainte Vierge Marie, rien sans le Ciel, la Sainte Trinité. Rien sans nous, les êtres humains…
Par la suite ce contrat fut appelé « alliance d’amour ». Ce thème est développé plus longuement ici.
- La sainteté du quotidien
L’aspect dynamique et de réciprocité implique une dimension pédagogique. Nous devons nous éduquer nous-mêmes, de façon permanente et lucide et, par conséquent, éduquer aussi autrui. Nous devons développer les capacités humaines d’attention et de docilité envers les signes que Dieu donne.
Dieu se révèle principalement dans trois domaines privilégiés :
a. Le cœur, la voix intérieure, la conscience.
b. Les circonstances, le temps, les évènements, l’histoire, (vox temporis, vox Dei).
c. La création : « ordo essendi est ordo agendi » (l’ordre de l’être est l’ordre de l’agir).
La Sainte Écriture illustre la manière dont le « Dieu vivant » s’est révélé au cours des temps.
La « praxis de la foi en la Providence » est la recherche des traces de Dieu dans ce quotidien. Il s’agit de scruter, de se risquer … et de trouver !
L’expression « contributions au capital de grâces » signifie, dans ce contexte, tous nos efforts humains offerts au sanctuaire à la Mère Trois fois Admirable afin qu’elle en dispose pour les âmes. (Nous retrouvons la même veine chez saint Louis-Marie Grignon de Montfort). Voir la présentation plus développée ici.
- La spiritualité de l’instrument
1 + 2 = 3 ! Tout ceci nous pousse à l’apostolat, à la mission. Nous sommes invités à être des témoins, à dire ce qui nous aide, ce qui nous fait vivre. Nous avons été éveillés, nous voulons éveiller les autres à notre tour. Nous voulons être des « instruments dociles dans les mains de notre Mère ». Nous sommes « saisis par la mission ».
Ce triptyque spirituel était une anticipation des trois piliers du Concile Vatican II, il en est une actualisation quotidienne : l’Église comme « mystère, communion et mission », ou les trois fonctions de l’Église : Leiturgia – Martyrium – Diakonia.
La trilogie « existence – une existence avec – une existence pour » résume le défi de cette spiritualité ternaire.
Ce qui nous intéresse maintenant est le déploiement de la pédagogie, résumée dans ce tableau intitulé : « La grande charpente pédagogique et ses fenêtres »
Le cadre élémentaire est
- La liberté : le but ultime de toute éducation est la vraie liberté : être libre des faux-liens afin de devenir libre pour accomplir, avec magnanimité, la volonté de Dieu.
- La tension, ou la polarité. Le danger à éviter est que la polarité créative ne devienne polarisation destructrice.
Les conditions de base favorables sont :
- La confiance : le climat de confiance est condition première de toute éducation. La méfiance bloque tout progrès.
- Le cheminement : la vie est croissance, évolution, développement, maturation. Les crises sont des chances, courage et patience, les vertus nécessaires, lâcheté et témérité, deux écueils à éviter qui révèlent un équilibre rompu.
Les différents domaines de la vie qui forment un organisme de liens naturel et surnaturels sont les lieux du triple commandement de l’amour : aimer Dieu, aimer son prochain, s’aimer soi-même.
L'idéal personnel vise la personne, l’existence individuelle, l’originalité.
Les liens visent les relations avec autrui, les choses, les idées, la coexistence. Ils suivent l’ordre de la création : les minéraux, les plantes, les animaux, les êtres humains.
L'alliance vise le ciel, la transcendance
Vous trouverez ces thèmes développés dans ces livres :
Douze portes pour découvrir et comprendre Joseph Kentenich et le Mouvement de Schœnstatt
L'étoile polaire de la pédagogie
ou comment éduquer comme le Bon Dieu
En 1950, le Père Kentenich écrivait dans une étude :
« Nous, schœnstattiens, ne sommes pas un Mouvement dogmatique, mais un Mouvement d’éducation. Nous nous sommes toujours compris comme des "officiers de liaison" entre la science et la vie, entre la théologie et la vie, entre la psychologie et la vie … Nous sommes nettement un Mouvement d’éducateurs et d’éducation. »
Le ton est donné. Pourquoi cette pédagogie ? D’abord parce que c’était indubitablement un charisme chez le Père Kentenich. Ensuite parce que finalement nous sommes des êtres jamais achevés et c’est bien l’éducation (ou la formation) qui nous « élève » tout au long de notre vie. Puis parce que Marie s’est révélée à Schœnstatt Mère et éducatrice. Ce terme est d’ailleurs presque une redondance puisque toute mère est éducatrice par essence. Cette caractéristique, le Père Kentenich l’a constatée chez les jeunes dont il avait la charge : la dévotion mariale a fait des merveilles. Ce constat ne s’est jamais démenti depuis 102 ans d’existence. Du reste, il n’était pas le premier dans l’histoire de l’Église à emprunter cette voie. Mais le premier sans doute à lui donner un cadre pédagogique aussi puissant. Et comme ses prédécesseurs il a compris dans la contemplation de Dieu et de ses « mœurs » les lois divines de croissance humaine et de pédagogie.
Le premier « dogme » est que « l’amour est la loi fondamentale du monde », affirmation qu’il emprunte à saint François de Sales et qui sera la base de tout. Il dira souvent : « Les éducateurs aiment sans jamais renoncer à aimer. »
Sans pouvoir tout redonner ici tout le système pédagogique, voici donc l’image de l’étoile qui peut donner quelques pistes :
- La pédagogie de l’idéal
- La pédagogie des liens
- La pédagogie de l’alliance
- La pédagogie du cheminement
- La pédagogie de la confiance
« L’idéal personnel est le trait fondamental voulu par Dieu, ou la disposition d’esprit voulue par Dieu, de l’âme en état de grâce, qui mûrit dans un attachement fidèle et un développement organique et plein de grâce jusqu’à la pleine liberté des enfants de Dieu. »
On trouve son idéal personnel le plus souvent dans la prière, en écoutant ce qui est vivant en soi, ce vers quoi se porte toujours son désir. Une fois trouvé, il dessine la route, façonne l’ascèse personnelle, devient tension créatrice.
Les liens sont tout ce qui nous relient au monde : les lieux (et en ces temps de déracinement général, il est bon de trouver des repères et des lieux où l’on est « chez-soi »), les personnes, le travail. Nous sommes des êtres de relation. On doit arriver à un « organisme de liens », c'est-à-dire des liens qui forment un tout vivant, harmonieux, comme un corps.
L’alliance est traitée ici.
Le cheminement : dans une conférence de 1965, le Père Kentenich fustigeait les mouvements (divers, de jeunes, liturgiques) qui étaient davantage mouvants qu'en mouvement. Et il affirmait : "non, en ce qui concerne le but, chez nous, ce n’est pas mouvant. Le but ultime est toujours en soi un but net et absolu. Mais [c’est] le chemin qui permet d’arriver au but, c’est une pédagogie du cheminement opposée au fond à une pédagogie statique. La pédagogie du cheminement ne veut jamais enfermer une personne dans un état fixe. Nous sommes en chemin et capable de changer (mais ce n’est toutefois pas moi qui vais changer l’autre).
La confiance s’appuie sur qui est bon dans l’être pour le faire avancer. "Oui, c’est d’abord la confiance extraordinaire grande et forte dans le bon qui est dans les âmes, dans les hommes."C'est ensuite l'équilibre entre connaissance de soi et ouverture aux autres : "Maintenant la grande question : comment parvenons-nous à cultiver d’un côté une saine conscience de soi – la conscience : nous sommes en possession de nous-mêmes, Dieu a pensé à moi comme une personne originale et je vis ma vie originale – et d’un autre côté : la personnalité et l’originalité impliquant toujours une certaine ouverture, une ouverture forte et plus forte aussi aux autres individualités."
Pour finir un texte du Père Kentenich sur l'amour dans l'éducation :
« Heureux celui qui peut éduquer, heureux celui qui a en lui la passion de l’éducateur, celui qui comprend cette parole : les éducateurs sont des amoureux qui ne se lassent jamais d’aimer. Et plus j’aime celui que j’éduque, plus je m’éveille moi-même au monde de l’amour (…). Plus je peux façonner les autres, plus je me façonne moi-même.
Celui qui est ouvert à toutes les valeurs, peut toujours offrir de si grandes choses aux siens ; aux heures paisibles, il se dit : je suis autant comblé par les miens qu’ils me comblent. Vous savez, si cette attitude fondamentale de donner et de recevoir n’est pas mise en place, je peux être un meneur ou un dictateur, mais je ne serai jamais un vrai père pour mon groupe ou ma communauté.
Les éducateurs sont des amoureux qui ne se lassent jamais d’aimer. Si nous ne devenons pas aujourd’hui des éducateurs passionnément amoureux, le monde nous sera simplement arraché ; par suite, nous serons des spécialistes, nous ne serons pas des créateurs. Mais éduquer signifie toujours créer, toujours engendrer. Ce qui me poursuit jour et nuit est toujours ceci : comment puis-je servir les miens ?
Et le moment venu, je m’efface, je laisse les miens aller en toute indépendance par leur propres chemins. C’est la plus grande gloire d’un véritable éducateur que d’être dépassé par son enfant… ».
Pour aller plus loin : La pédagogie de Schœnstatt et ses outils
Douze portes pour découvrir et comprendre Joseph Kentenich et le Mouvement de Schœnstatt
Les outils pédagogiques de Schœnstatt
ou comment tirer de son trésor du neuf et du vieux.
La pédagogie est concrète. Ce n’est pas de la réflexion même si celle-ci est nécessaire. La Providence a donné au Père Kentenich un charisme pédagogique et « la grâce en lui n’a pas été stérile ». Il a su trouver les outils ou plutôt tirer de son trésor de l’ancien et du nouveau pour donner au monde d’aujourd’hui ce qui lui est utile pour marcher efficacement vers le Royaume en entraînant les autres.
Les outils sont l'Ordre du Jour spirituel (OJS), l'examen de conscience, l'examen particulier, les contributions au capital de grâces. Vous les trouverez développés dans ce livre : La pédagogie de Schœnstatt et ses outils