L'hymne à la charité. I
Posté le 15/09/2020
Il existe dans les conférences du lundi soir données aux couples de Milwaukee durant plusieurs années, une conférence où le Père Kentenich commente longuement cette hymne. Plutôt que d'en mettre des extraits, elle sera donnée in extenso en plusieurs fois.
"Nous allons cet après-midi poursuivre encore sur le même thème qui tourne donc autour de ceci : quelle est concrètement notre spiritualité du quotidien, de l’instrument, de l’alliance, c'est-à-dire notre spiritualité propre en tant que couple, justement en tant que couple et pas seulement en tant que chrétien en général ?
Oui, quand sommes-nous, en tant que couple, sur le chemin de la sainteté ? Il faudrait peut-être que je résume tout ce que nous avons dit jusqu’à présent : c’est lorsque nous faisons formellement de la vie conjugale une vie conjugale d’amour. Notre vie conjugale doit devenir une haute école de l’amour, je pourrais presque dire, une haute école de l’amour héroïque.
Nous devrons avouer très souvent que notre vie conjugale tôt ou tard nous déçoit. Du point de vue de l’amour, cela nous montre que nous sommes restés accrochés à l’amour primitif.
N’oublions jamais que tout amour est d’abord primitif. Penser à soi-même est égoïste, autoréféré. En arrière-fond, il n’y a pas cette question : qu’est-ce qui est bon pour l’autre ? Si nous nous demandons pourquoi tant de couples se brisent tôt ou tard, vous trouverez toujours la même réponse : on n’a pas la force de purifier l’amour conjugal primitif, de progresser vers un amour conjugal altruiste.
Pour nous (à Schœnstatt), notre amour conjugal reçoit une couleur et une forme tout à fait particulière en le liant à notre alliance d’amour conjugale. En pratique, ça veut dire que notre alliance d’amour conjugale doit être l’expression de notre alliance d’amour avec Marie, avec le Sauveur, avec la Sainte Trinité. Lorsque nous envisageons ça comme un unique et grand cercle d’amour, nous sommes toujours sur la bonne voie.
Mais si nous nous demandons maintenant ce que doit être l’amour mutuel, nous répondrons à nouveau : il ne doit pas être seulement un amour surnaturel, il doit être une synthèse, une harmonie entre l’amour sexuel, érotique, naturel et surnaturel. Il ne doit donc pas être une espèce d’amour impossible.
Voyez-vous, il ne s’agit pas d’un amour humain qui devrait s’accomplir en amour conjugal. C’est un amour qui établit entre les deux conjoints une telle unité que celle-ci représente l’unité la plus parfaite possible, une unité vraiment physique et, à vrai dire, aussi morale. Il n’y a donc pas d’autre amour humain présentant une telle unité[1] si profonde que l’amour conjugal. Pourquoi ? Il suppose et renferme une unité[2] corporelle et morale. Il n’existe pas d’amour hormis celui-ci, qui soit à la ressemblance de l’amour trinitaire que l’amour conjugal.
Vous ne devez toutefois pas confondre amour et jouissance. Tout amour n’est pas lié à une jouissance. Comme j’ai dû souvent vous le dire, l’amour conjugal est un amour de sacrifice jusqu’à l’extrême. Mais c’est bien le propre de l’amour. Tout amour doit inclure en même temps une vie de sacrifice. Lorsque l’amour renferme le don de soi aux autres, il renferme aussi ceci : l’oubli de soi.
Bien, nous avons entendu la dernière fois l’apôtre Paul nous dire ce que doit être en détail notre amour conjugal. Je ne vais pas tout redire maintenant. Il me semble que nous devrions nous mettre encore une fois à l’école de saint Paul. Paul est d’une manière unique l’apôtre de l’amour, pas simplement de l’amour, mais en particulier de l’amour conjugal.
Considérons de nouveau comment Paul présente l’amour conjugal. Je veux souligner aujourd’hui seulement un point, plus tard peut-être nous en parlerons en détail. Pour Paul, il est évident que la cohésion du lien matrimonial doit être assurée par l’amour conjugal. C’est pourquoi il dit cette parole forte : l’homme doit aimer la femme comme le Christ a aimé l’Église ![3]
Voilà pourquoi moi, en tant qu’époux, je dois toujours prendre comme norme [de l’amour envers ma femme], l’amour du Christ pour son Église. Mais n’oubliez pas ceci : comment le Christ a-t-il aimé l’Église ? Il a donné sa vie, versé son sang pour l’Église, son Épouse. C’est ce que je dois faire en tant qu’époux pour mon épouse. Je ne peux donc pas, par exemple, arriver à la maison juste pour me reposer un peu, jouir de ma femme, et ensuite vaquer ensuite à mes petits désirs. Si je dois donner ma vie à ma femme, je dois aussi pouvoir lui donner mon temps, m’intéresser à ses besoins, ses soucis. – Vous sentez combien Paul envisage l’amour conjugal comme quelque chose de grand.
Et comment Paul voit-il la femme ? En tant qu’épouse, comment dois-je aimer mon époux ? Comme l’Église sert le Christ – l’époux et l’épouse ensemble intérieurement – c’est ainsi que je dois, en tant qu’épouse, servir mon époux, lui offrir mon amour serviable et altruiste. Et cet amour serviable envers l’époux doit s’exprimer par une certaine docilité, une certaine obéissance.[4]
Si toutefois nous voulons savoir plus précisément comment l’homme et la femme doivent s’aimer, au sens paulinien, nous devons encore nous mettre particulièrement à l’école de Paul.
Bien, avant d’examiner ce que dit Paul, nous devons d’abord interroger encore une fois le Sauveur. Il nous dit : Quel est le premier, le plus grand, le plus profond des commandements ? C’est l’amour de Dieu et l’amour du prochain.[5] Disons plus précisément : l’amour du prochain qui vient de l’amour de Dieu. Je dois aussi aimer ma femme, l’aimer de tout mon cœur, et l’aimer jusqu’au don de moi-même. Mais cet amour finalement doit venir de l’amour de Dieu.
Ça veut dire concrètement que je dois me nourrir continuellement de l’amour de Dieu. Dans la mesure où grandit mon amour pour Dieu, grandit aussi l’amour pour ma femme. Lorsque, en tant qu’époux ou épouse, je cesse de recueillir les éléments nutritifs de l’amour de Dieu, je peux être sûr qu’arrivera, plus ou moins vite, le moment où les relations mutuelles vont énormément se rafraîchir et se refroidir.
Si nous nous demandons encore comment le Sauveur estime et protège l’amour du prochain, il nous suffit d’entendre encore une fois quelle sera finalement la norme du jugement dernier. Il ne nous sera pas demandé : as-tu été humble ? Il ne nous sera pas demandé : es-tu resté chaste et pur ? Non que ces vertus ne soient pas elles aussi nécessaires, mais elles doivent être toutes envisagées comme l’expression de l’amour de Dieu et du prochain. Écoutons le Sauveur nous le déclarer : J’ai eu faim et tu m’as donné à manger ; j’étais nu et tu m’as vêtu. Et ainsi de suite. Et l’intéressé dit : pourquoi, je ne t’ai jamais rencontré, toi le Sauveur. Et vient cette parole immense et mystérieuse : « Tout ce que vous avez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait. »[6]
Ce que le Sauveur dit de l’importance de l’amour du prochain, nous l’appliquons, en tant que mari et femme, à l’amour conjugal. En tant qu’époux, nous serons donc jugés à la fin sur le degré de l’amour que nous nous serons donné mutuellement.
Paul reprend ceci à sa manière et expose trois pensées. La première est une parole sur l’importance de l’amour du prochain – nous disons toujours : sur l’importance de l’amour conjugal. La deuxième est sur les qualités de l’amour. Et la troisième sur la durée de l’amour. Nous l’appliquerons toujours à l’amour conjugal.
Ce que nous étudions ensemble maintenant, que nous voulons et devons laisser travailler en nous, c’est ce qu’on appelle l’hymne à la charité que Paul a chantée dans la Lettre aux Corinthiens.
[1] Ici, le Père Kentenich utilise le mot Zweieinheit, souvent traduit par « bi-unité ». En français toutefois, cette traduction affaiblit l’unité plus qu’elle ne la sert, d’où l’option de traduire par unité. Chaque fois que le mot Zweieinheit apparaîtra, ce sera signalé en note, comme ci-dessous :
[2] Zweieinheit
[3] Cf. Ép 5, 25
[4] Cf. Ép 5, 24
[5] Cf. Mt 22, 36-39 et //
[6] Cf. Mt 25, 35-40