L'hymne à la charité. II
Posté le 16/09/2020
Voici donc la suite de la conférence du père Kentenich aux couples de Milwaukee :
"C’est pourquoi nous le comprenons à présent – donc la réponse que Paul donne aux trois questions – nous devons d’abord le laisser agir en toile de fond. C’est, à vrai dire, une méthode singulière que Paul a appliquée. Il n’a rien dit de façon purement théorique. Non, il partait toujours des questions posées dues aux difficultés.
D’où la singularité de son discours et de ses pensées. Il ne donnait pas des réponses de ce genre : il faut faire comme si ou comme ça ! Il élève d’abord aux questions ultimes, aux rapports ultimes et il laisse les personnes concernées libres de trouver elles-mêmes la réponse !
De quoi s’agissait-il ici, lorsque Paul chantait son hymne à l’amour ? Paul avait alors fondé la communauté de Corinthe. Il y était ensuite retourné, mais il restait toujours en contact avec les nouvelles communautés qu’il avait fondées. Et il avait laissé la communauté de Corinthe très florissante. Mais ça n’a pas duré longtemps, il y avait là-bas des conflits. Quels étaient ces conflits ?
La cause en était qu’il était alors monnaie courante dans le christianisme primitif que le Saint-Esprit donnât des charismes.
Qu’est-ce qu’on entend par charisme ? C’était par exemple le don des langues, c'est-à-dire, sans avoir appris une langue, on pouvait tout d’un coup parler cette langue. Ou bien c’était le don des paroles prophétiques qui était donné ; donc on pouvait répondre ce qui arrive dans les familles ou dans les pays. Ou encore le don, la grâce, de faire des miracles, même de ressusciter les morts. Ce sont des dons qui ne sont pas donnés seulement aux prêtres mais aussi aux laïcs.
C’était donc comme ça à Corinthe. Il y avait beaucoup de simples laïcs qui prophétisaient et faisaient des miracles. Mais il y en avait beaucoup d’autres qui n’avaient pas reçu ces dons.
Le résultat ? Nous comprenons bien tout de suite : il y avait un grand danger et beaucoup sont tombés dedans, que ceux qui avaient reçu des dons en étaient quelque peu fiers. Et de l’autre côté, les autres en éprouvaient de l’envie et de la jalousie.[1]
Voilà le problème que l’on a présenté à Paul. Au lieu de dire seulement : ne faites pas ça, il faut faire comme ça !, Paul est allé jusqu’aux principes ultimes et il a fait, ou écrit une conférence. Et quel était le sujet ? Ce sont les trois réflexions que j’ai déjà abordées :
Premièrement, un mot sur l’amour du prochain. Donc, au lieu de le faire comme ça et de résoudre simplement le cas en disant : eh bien, aimez-vous donc !, il ne le fait pas et remonte aux principes ultimes et il fait un éloge sur l’importance de l’amour du prochain. Il veut dire par là : appliquez-le à vous-mêmes !
Nous le savons par saint Jean : alors qu’il était âgé et ne pouvait plus prêcher, il était à la porte de l’Église et ne disait à chacun qu’une seule parole : mes petits enfants, aimez-vous les uns les autres ![2] Alors venait la question : pourquoi dis-tu toujours la même chose ? Réponse : il y a dedans tout ce que le Seigneur nous demande.
Encore une fois : Paul ne rend pas les choses faciles. Je répète, il va aux rapports ultimes en cherchant les lignes métaphysiques fondamentales de tout ce qu’il demande et attend. Mais il reste toujours proche de la question qui lui a été posée, c'est-à-dire proche des différends, des difficultés. Il se consacre bien sûr d’abord à ceux qui s’enorgueillissent Dieu sait comment d’avoir reçu des dons, des charismes. En l’écoutant, vous comprendrez tout de suite.
Donc un mot sur l’importance. Paul comprend tout de suite : et si j’avais le don des langues – même pas seulement ! – si je parlais toutes les langues des hommes, – Paul va même plus loin, il exagère et dit : même si je parlais la langue des anges, si je n’ai pas la charité, je ne suis qu’un cuivre qui résonne, qu’une cymbale retentissante.[3]
Comment nous représenter ça ? J’ai un cuivre, ça sonne ; je le frappe toujours. Je pense que ça doit être une cymbale. Je tape dessus. Quelle en est la valeur ? Ce n’est en moi qu’il y a quelque chose de précieux, ce qui est précieux est dans la cymbale. Ensuite, la résonnance qui vient de la cymbale ; là, je n’ai rien fait. Voyez-vous, le bon Dieu est là qui parle en moi ; mais je n’ai aucun mérite.
C’est pourquoi arrive la grande et belle et grave parole : et si je parlais toutes les langues des hommes et des anges, si je n’ai pas l’amour, si je n’ai pas l’amour du prochain – nous disons, si nous n’avons pas un mutuel amour conjugal – tout ça ne sert de rien. Comprenez-vous la sagesse de la réponse, comme elle était populaire ? Donc, si tu as tous les dons, le don de langue, si tu n’as pas l’amour du prochain – c’est le lien qui nous unit tous – tu peux plier bagage ; ça n’a aucun intérêt pour toi.
Il y a une foule de saints, par exemple saint François-Xavier, qui avaient le don des langues, il parlait les langues sans les avoir apprises. Mais ce n’est pas à cause de ça qu’il est saint ni même qu’il a été canonisé. Il est saint uniquement parce qu’il a aimé, aimé son prochain à un degré héroïque.
Je prends un deuxième cas, un grand théologien très savant. Il peut parler brillamment sur l’amour de Dieu et sur l’amour du prochain. Mais s’il ne pratique pas l’amour, alors une simple ménagère qui remplit fidèlement et avec beaucoup d’amour son devoir devant ses casseroles est beaucoup plus grande aux yeux de Dieu que le brillant savant.
Vous pouvez bien comprendre comment Paul peut parler avec simplicité mais très profondément de tout ça. Mais ce n’est pas tout. Il y avait encore d’autres dons qu’il nomme tous en détail. Et c’est encore : si j’avais le don de prophétie – précédemment il a parlé du don des langues – donc si je prophétisais l’avenir, en le scrutant, et si j’expliquais tout correctement… Oui, et plus encore : si je pouvais dévoiler tous les mystères du ciel et de la terre, donc pas seulement les mystères de la nature, mais aussi les mystères du ciel… C’est dit de façon exagérée, très populaire. Et il en remet une couche : et si j’avais la foi à transporter les montagnes… il se souvient de la parole du Sauveur : si tu avais la foi, tu pourrais transporter les montagnes…[4] Ce sont tous des cadeaux excellents, des dons excellents qui peuvent nous être donnés en partage. Mais ensuite Paul s’élève tout de suite et dit : mais si tu n’as pas l’amour du prochain, tout ça n’est rien.[5]
Comprenez-vous le sérieux de ce que Paul sait exprimer ? Notre amour conjugal doit être une école d’amour, non pas tant une école scientifique, et pas du tout une école de business. C’est essentiellement une école d’amour."
[1] Cf. 1 Co 14, 1-25
[2] Cf. 1 Jn 3, 11-18
[3] Cf. 1 Co 13, 1
[4] Mc 11, 23 et //
[5] Cf. 1 Co 13, 2